L’effet de levier est une méthode permettant à un investisseur, d’investir plus d’argent qu’il n’en possède réellement sur son compte. Dans la pratique, votre courtier vous fait une avance ou un prêt à un taux qu’il fixe, pour un montant qui va dépendre des actifs financiers que vous avez déjà chez ce courtier.
Exemple : si vous avez 10 000€ et que vous achetez/investissez pour 20 000€, vous avez un levier de 2:1.
Cette technique permet donc de multiplier vos gains si vos investissements sont fructueux, puisque vous avez investi plus que ce vous ne possédez réellement, mais aussi bien évidemment d’amplifier vos pertes si le marché et le cours de vos investissements baissent. Il est donc nécessaire d’être prudent avec cette méthode, et de ne pas prendre un levier trop important.
Ex :
Vous avez 10 000€ et achetez pour 20 000€ d’actions (donc effet de levier 1:2). Si les actions gagnent 10%, vous avez donc 22 000€ (gain 2000€). Si vous revendez toutes vos positions, il vous reste donc 12000€, vous avez donc réalisé un gain de 20% (effet multiplicateur de 2, comme le levier).
A l’inverse si les actions perdent 10%, vous vous retrouverez avec une perte de 2000€, donc une perte de 20%
Pour pouvoir investir plus que ce que vous possédez, et donc créer du levier, il faut déjà que votre broker (Degiro, Interactive Brokers …) le propose (voir info sur certains broker sur la page dédiée Quel courtier choisir), et vous y autorise (il faut souvent répondre avec succès à un questionnaire évaluant vos connaissance sur le sujet).
Si tout est OK, vous pourrez donc demander un compte sur marge, qui vous permettra d’acheter des positions, même si vous n’avez plus de trésorerie. En général, par défaut, sans cette demande, votre broker vous fournira un compte titres de type compte de trésorerie, à partir duquel il n’est plus possible d’acheter s’il ne reste plus de liquidités sur votre compte.
A noter que certains courtiers imposent un montant minimum de dépôt pour pouvoir ouvrir un compte sur marge (le ticket d’entrée est souvent de 100k$, mais cela varie d’un courtier à l’autre)
Bien évidemment votre courtier ne va pas vous avancer des fonds gratuitement. Il s’agit en fait d’un prêt (sur marge).
Avec un prêt bancaire classique, vous avez toujours 3 éléments caractéristiques : le montant emprunté, le taux et la durée (exemple : pour un prêt immobilier, 100 000€ emprunté à un taux de 1.5% sur 20ans). Vous allez rembourser tous les mois pour la durée du prêt (20 ans), une part du montant emprunté (100 000) + une part de l’intérêt (1.5%). A la fin du crédit, vous avez remboursé les 100 000€ + les intérêts et vous ne payez plus rien.
Avec un prêt sur marge, il n’y a pas de durée, et vous remboursez tous les mois (sans date de fin) uniquement les intérêts qui sont calculés tous les mois en fonction du montant restant à rembourser et du taux en vigueur, et ce tant qu’il reste de l’argent à rembourser. Le remboursement du capital emprunté se fera soit en injectant de nouvelles liquidités, soit en vendant des positions de votre portefeuille, mais pas au travers de ce que vous payez tous les mois (qui correspond uniquement aux intérêts).
Ces taux de marge sont en général calculés à partir d’un BenchMark Rate (BM) auquel le broker ajoute entre 0,5 et 1,5% (en fonction du montant emprunté). Ce benchmark correspond au taux des banques centrales des pays correspondant à la devise empruntée.
Pendant plusieurs années ces Benchmark sont restés proches de zéro, ce qui fait qu’il était possible d’emprunter pour 1 – 1,5% auprès de votre broker avec un simple clic de souris. Mais avec la remontée des taux pour lutter contre l’inflation, ces taux sont à ce jour (Janvier 2023) beaucoup trop élevés pour que cela devienne intéressant.
A titre d’exemple ci-dessous les taux proposés par Interactive Brokers en Janvier 2023 pour des emprunts en $ :
Pour que votre broker accepte de vous prêter de l’argent sur marge, il y a malgré tout une condition : il faut que vous ayez des titres en portefeuille qui serviront de garantie au broker.
Souvent les brokers acceptent de vous prêter à hauteur de ce que vous avez, mais cela dépend en fait du type de positions que vous avez en collatéral et de leur qualité :
Plus vous avez un portefeuille diversifié (en terme de nombre de positions, et de type/secteur d’expositions) et plus votre broker acceptera de vous prêter. Un broker vous prêtera donc plus si vous avez un portefeuille varié d’ETF (voir page investir dans les ETF) qui sont par nature déjà naturellement variés.
De même, si vous avez en portefeuille des classes d’actifs sures comme des Preferred (voir page investir dans les preferred) ou encore mieux des Senior Notes votre broker acceptera un levier plus important.
A quoi servent ces garanties ? Si votre broker vous prête de l’argent, c’est qu’il pense qu’il pourra toujours le récupérer. Ainsi si le vent tourne et que vous positions baissent trop, votre levier va augmenter (puisque la valeur de votre portefeuille baisse par rapport au montant qu’il vous a été prêté). Le broker va donc vous demander de réinjecter des liquidités, ou va sinon de lui-même vendre des positions que vous possédez, afin de récupérer tout ou partie de l’argent qu’il vous a prêté, et afin de revenir au ratio levier qu’il vous autorise. C’est ce qu’on appelle un appel de marge que vous allons développer ci-après.
Commençons par 2 définitions :
Marge initiale : C’est le montant ou pourcentage que vous devez avoir pour ouvrir une nouvelle position. Une marge initiale de 25% signifiera, que pour acheter pour 100€, vous devez avoir 25€. (Dans le cas précédent avec un montant de marge disponible de 1 000 €, vous pourriez donc acheter pour 4 000 € d’actions).
Marge de maintenance ou marge de maintien : C’est le montant des fonds ou le pourcentage que vous devez maintenir sur votre compte afin de garder vos positions ouvertes. Si vous passez en dessous, il y aura un appel de marge (vente de titre, ou ajout de liquidité) pour repasser au dessus.
En gros, la marge initiale vous sert à ouvrir une position en empruntant (c’est votre pouvoir d’achat), et la marge de maintenance la limite de perte maximale. Mais voyons cela avec un cas pratique et chiffré :
Considérons le cas d’Interactive Brokers (IB), qui autorise ses investisseurs à emprunter jusqu'à 50 % du prix des titres qu'ils souhaitent acheter sur marge. C’est la marge initiale.
IB exige le maintien d'un capital minimum sur le compte sur marge de l'investisseur à hauteur de 25 % de la valeur de marché totale des titres détenus sur le compte sur marge de l'investisseur. C’est la marge de maintien.
Si vous possédez 100 000€ en titres sur votre compte, IB vous autorise donc à emprunter 50 000€. Si vous le faites, vous aurez donc 150 000€ de titre avec 50 000 de marge utilisée.
La marge de maintient est donc de 25% de 150 000€ soit 37 500€.
Si votre portefeuille baisse de 30%, vous n’avez plus que 105 000€ en titres, mais seulement 55000€ sont à vous et constituent vos fonds propres (105 000 – 50 000 empruntés). Vous avez donc un taux de fonds propres de 55000/105000 = 0,528, soit 52.8 %. Vous êtes donc au-dessus des 25% de marge de maintient : rien ne se passe.
Si votre portefeuille baisse de 60%, il ne vaut donc plus que 60 000€, mais seulement 10 000 sont à vous (60000 - 50000 empruntés). Votre taux de fonds propres est de 10000/60000 = 0,166 ou 16.6%. Vous êtes donc en dessous de la marge de maintenance, et IB vous demandera d’ajouter des liquidités. Si vous ne le faites pas rapidement, IB liquidera lui même une partie de vos positions.
Le montant à injecter se calcule par la formule : (valeur de la position * marge de maintien) – fonds propres de l’investisseur. Dans notre cas (60 000 x 25%) – 10 000 = 5000€
Il y a plusieurs approches justifiant l'utilisation de la marge :
Pour saisir une opportunité de marché : vous estimez que la valeur d’une action, d’un fond, d’un ETF ou de tout le marché est excessivement dépréciée, mais vous n’avez plus, ou pas assez de liquidités : vous pouvez utiliser la marge pour acheter les positions désirées. Vous pourrez combler/rembourser cette marge avec des rentrées ultérieures, ou en encaissant des dividendes ou en vendant des positions si votre portefeuille monte.
Sur le long terme, pour profiter d’un écart entre le rendement de vos investissements, et le taux de marge. Par exemple vous pouvez investir sur des actifs relativement surs comme des Senior Notes ou de bonds ayant un taux de 5-7%, en ne payant tous les mois qu’une marge de 1,5% et donc encaisser tous les mois la différence.
Sur le long terme avec un portefeuille très diversifié pour bénéficier de l’effet multiplicateur du levier
Le risque le plus important est lié à la fluctuation de la valeur de votre portefeuille. Si celui-ci baisse significativement, et se trouve sous la marge de maintien, vous n’aurez d’autres choix que de rajouter des liquidités, sans quoi, votre broker liquidera des positions, et vous pourriez perdre une partie, tout, voir plus que votre mise de départ si votre levier est supérieur à 2 !!!
Le 2e risque est lié au taux de prêt. En effet contrairement à un crédit classique où le taux est connu au début, celui du prêt sur marge est calculé tous les mois en fonction du Benchmark. Si celui-ci augmente beaucoup (comme c’est le cas en 2022-2023) votre marge pourrait vous couter cher, et potentiellement plus que ce qu’elle vous rapporte.
Nous l’avons vu, utiliser la marge peut être intéressant pour augmenter ses gains en cas de marché haussier, profiter de taux faibles … mais peut aussi être très dangereux en cas de retournement du marché, ou dans une moindre mesure de hausse des taux.
Il faut donc parfaitement maitriser son sujet avant de se lancer dans l’utilisation de la marge. Il vous faudra parfaitement comprendre les notions de marge de maintenance, et surveiller l’évolution de votre portefeuille pour éviter les appels de marge.
Pour limiter les risques on recommandera donc 2 choses :
Avoir un portefeuille très diversifié (idéalement avec des gros ETF, et/ou beaucoup de titres très « solides »), pour éviter les chutes brutales de la valeur de votre portefeuille.
Ne pas emprunter au-delà de 40% de la valeur votre portefeuille (= levier 1,4), car il faudrait que votre portefeuille baisse de près de 60% pour déclencher des ordres de ventes par votre broker (ce qui signifierait que toute la bourse baisse de 60% si vous avez un portefeuille de type monde, ou SP500 + EuroStoxx) .